La culpabilité

Le fait de nous sentir coupable ne nous rend pas meilleur et surtout, ne nous permet pas de changer, encore moins de réparer l'objet de notre mal-être. Je me souviens de quelqu'un qui avait eu un comportement qui m'avait blessée et dont on m'avait dit : "Oui, mais il se sent coupable". Cela m'exaspérait. L'objectif n'est pas de se sentir mal, de payer pour nos erreurs, de venger l'autre par notre souffrance intime.
L'objectif est comme toujours de redevenir bien dans sa peau car entier. Car que veut dire "coupable" si ce n'est divisible, coupé en deux, tiraillé entre des forces antagonistes? La culpabilité est associée à de la colère envers l'autre, celui qui a un tel pouvoir d'entamer notre estime de nous-même. Comme toujours, il s'agit d'ailleurs d'une histoire entre moi et moi. Moi qui veux faire ce que je veux, assouvir mes désirs et en même temps garder une bonne image à mes yeux ou aux yeux des autres. Nul n'est inoffensif et il va bien falloir l'assumer un jour ou l'autre. Ma vieille amie Lucienne me disait un jour : " On n'est jamais inoffensif car même en faisant quelque chose d'aussi innocent que marcher sur l'herbe, tu risques d'écraser une fourmi". Déjà, il faut renoncer au souhait d'être agréable à tous, tous le temps. Je connais des personnes qui le font et elles ont une colère rentrée absolument phénoménale. Soyons raisonnables, c'est impossible car nous ne sommes pas des poupées de porcelaine dans la vitrine d'un salon. Ensuite, si nous identifions en nous un sentiment pénible de culpabilité, je suggère de convoquer l'avocat général et la défense, à huits clos. Nous sommes tous de grands experts en diabolisation et quel délice nous éprouvons à nous sentir affreux! Mais c'est celui ou celle envers lequel ou laquelle nous nous sentons coupable que nous avons secrètement envie d'accuser, avouons-le! Et si nous avons envie d'aller plus loin, osons également lui pardonner d'avoir éveillé nos démons. Ils étaient là de toutes façons, n'attendant qu'une occasion de s'amuser un peu! En vérité, nous sommes habités par un grand nombre de personnages alors que nous croyons être une personne entière, cohérente et stable. Si c'était le cas, nous serions dans l'impossibilité de nous sentir coupables, divisibles. Nos personnages intérieurs se font concurrence et mènent entre eux une guerre impitoyable. Notre principal travail sera de les réconcilier autant que faire se peut, de leur proposer des alliances et des compromis acceptables. Avec un médiateur bienveillant, ce n'est pas si difficile que l'on croit. Qui sera le médiateur? Notre conscience que nous aurons pris soin de percher un peu à distance ( pourquoi pas sur l'armoire ou dans l'oeil sagace du chat!). Après tout ça, on peut si l'on veut, comme le font les Alcooliques Anonymes, aller s'excuser auprès de ceux que nous avons lésés. Ou leur envoyer à distance des pensées de paix et de réconciliation, un peu comme dans la méthode de guérison hawaïenne O'hoponopono: "Je t'aime, pardon, désolé, merci". Ce qui compte, c'est de retrouver le sentiment de tranquillité qui indique infailliblement que nous avons retrouvé notre sentiment d'unité et que donc, nous ne nous ne sentons plus "coupables" en deux, en trois ou en mille!